Le jeûne : une pratique millénaire

Le jeune est une pratique aux origines très lointaines, observée aussi bien par les cultures humaines que par les autres espèces mammifères ou animales. J’entends ici par jeûne la privation volontaire de nourriture solide dans un but thérapeutique / spirituel et non la privation due à des conditions extérieures comme une guerre ou une crise alimentaire.

Le but premier d’un jeûne est d’offrir un temps de repos plus ou moins important à l’organisme pour lui permettre de digérer, d’assimiler les nutriments du bol alimentaire dans un premier temps (moins de 12 heures). Puis dans un second temps, lorsqu’il se prolonge (12 heures et plus), ne recevant plus de nutriments de l’extérieur, l’organisme voit chercher d’autres voies métaboliques pour assurer son fonctionnement. C’est alors qu’il va utiliser les réserves de glycogènes contenus dans le foie et dans les muscles pour le dégrader et ainsi libérer du glucose dans la circulation sanguine (c’est ce qui se passe la nuit quand on jeûne). Ce procédé (néoglucogenèse) est primordial afin d’assurer le maintien d’un niveau normal de glucose dans le sang entre les repas. Dès lors que le jeune se prolonge au-delà de 3, 4 ou 5 jours, ce sont les réserves de lipides de l’organisme qui vont servir de source d’énergie, celui-ci va en effet transformer les lipides en acides gras qui eux-mêmes seront dégradés pour produire des corps cétoniques qui permettront à l’organisme de continuer à maintenir un taux normal de glucose dans le sang.

À travers les siècles, toutes les religions ou presque ont inscrit le jeûne dans leurs préceptes et rituels. Par exemple, dans la religion chrétienne, les catholiques observaient traditionnellement un jeûne partiel ou une « abstinence » pendant 40 jours (le carême). Beaucoup de maîtres spirituels et d’êtres éveillés ont fortement recommander à leur disciples la pratique du jeûne pour accélérer leur évolution spirituelle et accéder à des états de conscience « supérieurs ». De nos jours, ces traditions sont moins pratiquées par le peuple (elles n’ont pas cependant disparu), mais c’est davantage le jeûne thérapeutique qui fait parler de lui.

De nombreuses maladies dues à une mauvaise alimentation ayant fait leur apparition au cours des 100 dernières années, le jeûne semble apporter une solution à ces problèmes de santé publique. Dans un contexte dans lequel les pays riches se suralimentent et ont oublié les vertus de la sobriété, le jeune réapprend aux gens à se passer de nourriture.

Mais au fait de quel type de jeûne parle-t-on ? Quels sont les différents types de jeune que l’on peut pratiquer aujourd’hui ?

Les différents types de jeûne

Pour simplifier les choses, disons qu’il y a principalement 3 types de jeûnes :

  • Le jeûne total sans prise de liquide : il n’admet évidemment pas l’ingestion de solides, mais non plus celle de liquides. Peu de personnes le pratiquent, car il est très restrictif et ce type de jeûne nécessite des conditions particulières pour être mis en pratique, il ne se fait pas sans préparation mentale et physique préalable.
  • Le jeûne total avec prise de liquide : c’est la version la plus populaire du jeûne, qui comprend donc la prise de liquides comme l’eau, des tisanes, des bouillons de légumes ou autres. À condition qu’il n’y ait pas la présence d’aliments solides dans le bouillon…
  • Le jeûne intermittent, ou le jeûne alterné, consiste à alterner des phases de privations de nourriture solide durant une durée de temps prédéterminé et des phases de prises alimentaires. Ce type de jeûne permet à l’organisme de mieux se régénérer d’un jour à l’autre, il offre un temps de repos aux organes impliqués dans la digestion comme l’estomac, le pancréas, le foie, la rate ou les reins. La personne qui pratique cette forme de jeûne décide elle-même de la durée des phases de privation, qui peut être de 12 heures (c’est le minimum), de 16 heures, voir de 20 heures. La version la plus douce du jeûne alterné consiste donc à se passer de nourriture pendant 12 heures et d’étaler ses 2 ou 3 repas sur 12 heures de la journée. Exemple : Les repas se font à partir de 8 h le matin et jusqu’à 20 h le soir, la période de jeûne se fait à partir de 20 h le soir et jusqu’à 8 h du matin le jour suivant. La version la plus restrictive du jeûne alterné impose de prendre le·s repas sur 4 heures dans la journée et d’observer un jeûne pendant les autres 20 heures. Peu de gens pratiquent cette version du jeûne intermittent qui demande plus de résistance à la sensation de faim.

Les risques d’un jeûne mal compris

L’idée du jeûne selon laquelle on offre un temps de repos à l’organisme, qui peut à cette occasion s’autonettoyer et se régénérer, est parfois mal comprise ou mal mise en application. Le jeûne devrait être considéré comme un outil parmi d’autres pour se maintenir en équilibre et en santé, pour favoriser l’élimination des déchets métaboliques et des acides, mais pas comme un remède magique qui nous autorise en parallèle, lors des périodes de non-jeûne, à continuer avec nos erreurs alimentaires.

En effet, beaucoup de gens préfèrent jeûner de temps en temps pour se nettoyer, se purifier en profondeur, sans pour autant changer leurs habitudes de vie néfastes. Par exemple, untel qui mangerait de la viande chaque jour, qui ne pourrait pas se passer de sucre à la fin des repas et qui boirait de l’alcool 2 ou 3 fois par semaine, qui préfèrerait jeûner pendant une semaine à chaque printemps pour « se purifier », plutôt que d’essayer de se défaire de ses mauvaises habitudes alimentaires et manger plus sainement tout au long de l’année. Les bénéfices du jeûne sur la santé sont alors très rapidement perdus, dès lors que la personne reprend une alimentation « normale ».

C’est pourquoi en macrobiotique, le jeûne n’est pas forcément ni systématiquement mis en avant. L’accent est plutôt mis les bonnes habitudes à adopter au quotidien, les aliments à privilégier comme les céréales complètes, les légumineuses, les légumes bio, locaux et de saison et les aliments à éviter ou à éliminer comme le sucre, les produits animaux ou l’alcool. On apprend aussi en macrobiotique à manger en conscience et à mastiquer correctement les aliments pour permettre aux enzymes digestives sécrétées dans la bouche de faire leur travail et afin de mettre en mouvement l’eau dans le corps. Il est tout aussi important d’apprendre à bien se nourrir que d’apprendre à se priver de nourriture, les deux aspects sont complémentaires, ils ne s’opposent pas.

Le jeûne n’est pas incompatible avec les recommandations de la macrobiotique, au contraire, il peut s’avérer un très bon complément pour rester en parfaire santé jusqu’à un âge avancé. Mais la Macrobiotique nous met en garde sur le piège de pratiquer le jeûne en pensant que cela suffit pour être en bonne santé et que cela nous dispense de faire l’effort de manger sainement le reste du temps, quand on ne jeûne pas.

Le jeûne est-il adapté à tout le monde ?

Le jeûne n’est pas fait pour tout le monde et ne peut pas être pratiqué à tous les âges de la vie d’un individu. Une personne qui est très affaiblie par la maladie retrouvera peut-être plus facilement la santé en mangeant des céréales, de manière très attentive, avec une mastication intense (100 à 200 fois chaque bouchée), plutôt qu’en se privant totalement de nourriture.

Une personne qui pèse 50 kg pour 1,75 m (comme moi…) ne vivra pas le jeûne de la même manière qu’un individu qui pèse 80 kg pour 1,75 m. Le premier, ne disposant que de très peu de masse adipeuse, aura très vite brûlé ses réserves et se sentira faible au bout de 2 ou 3 jours, tandis que la deuxième, qui dispose de plus de « graisses de réserve » mettre plus de temps avant de tout brûler (lipides présents dans le tissu adipeux), et supportera surement un peu mieux un jeûne prolongé.

De même, un enfant de moins de 12 ans, ayant des besoins énergétiques importants, ne va pas supporter de jeûner plus d’un repas. D’ailleurs, les musulmans qui pratiquent le ramadan pendant un mois, ne l’imposent en général pas aux jeunes enfants. Par contre, si un enfant, parce qu’il est malade ou a vécu un épisode émotionnel lui ayant coupé l’appétit, saute un repas ou deux, il n’en mourra pas. Tandis que forcer un enfant à manger alors que lui-même ne le souhaite pas, cela peut lui être vraiment préjudiciable. Mis à part lorsqu’il y a une pathologie avérée de l’alimentation comme l’anorexie ou la boulimie, les enfants comme les adultes sont censés savoir lorsqu’ils ont réellement faim ou quand ils n’ont pas faim, personne n’a accès à cette information à part nous-même. À condition d’apprendre à s’écouter et de connaître nos sensations pour savoir quand est-ce que nous mangeons par réelle nécessité et quand est-ce que nous mangeons pour compenser ou couvrir une émotion déplaisante.

En conclusion

En fait, le jeûne est un peu comme beaucoup de choses lorsqu’on parle d’alimentation, c’est un choix personnel qui doit être guidé par une motivation profonde d’améliorer sa santé, de se développer spirituellement ou autre. Mais il ne doit pas être imposé, car chaque individu est complètement différent de son·sa voisin·e, et celui ou celle qui souhaite jeûner et qui impose aux autres de le faire méconnait peut-être la condition physique et mentale des autres personnes, les mettant ainsi en danger. Cependant, partager un jeûne de 2 ou 3 jours entre amis consentants peut aider à franchir le pas lorsqu’on aspire à l’expérimenter, mais qu’on n’a pas forcément la force de le faire seul·e. Il est aussi plus prudent d’être accompagné par des personnes expérimentées lorsqu’on se lance dans son premier jeûne, car on ne peut pas toujours prévoir quelles seront nos réactions dans ce type de situations extra-ordinaires.

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1 commentaire

  1. Article très intéressant, qui permet d’avoir une vision d’ensemble du jeûne et de sa pratique.
    Tous les aspects notables sont visités, expliqués, analysés. Merci Tim pour toutes ces infos.

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